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Anne-Marie LETHUILLIER

ASSISTANTE d’Alain DECAUX durant 37 années

« Historien, auteur de télévision, recherche secrétaire sténotyiste, vitesse moyenne, très ordonn. possib. déplacement. Ecrire avec réf. et préten. à Alain Decaux, 7, rue Henri Cloppet, 78110 Le Vésinet. »

Tel était le texte exact de l’annonce publiée le 18 septembre 1973 dans Le Figaro. Le destin a fait que, dans des circonstances incroyables, j’ai pu être choisie parmi la cinquantaine de candidates. Comment aurais-je pu prévoir que, de cette simple annonce, allait naître une longue et passionnante collaboration de trente-sept ans ?

Sténotypiste, il m’a tout dicté pendant de nombreuses années : La Tribune de l’Histoire, Alain Decaux raconte ainsi que tous ses spectacles et ouvrages sauf ceux destinés aux enfants. J’ai donc eu le privilège d’être sa première auditrice, sa première lectrice. Ce qui m’a toujours étonnée, c’est la spontanéité de sa dictée : jamais je ne l’ai vu consulter un seul plan préparatoire, que ce soit pour les émissions de radio et de télévision ou pour ses livres. Il avait seulement lu auparavant certains ouvrages traitant du sujet. Par exemple, pour la Tribune de l’Histoire, les dialogues des personnages lui venaient spontanément à l’esprit les uns après les autres, étant entrecoupés de la musique et des bruitages. Comment aurais-je pu oublier le premier sujet ? ll s’agissait de Dracula !

Anne-Marie LETHUILLIER, Anne Hélène, Alain, Jean-Laurent et Micheline DECAUX – © DR

Lorsqu’il reprenait  la dictée d’un livre, après être passé par la rédaction d’une Tribune de l’Histoire, d’une émission Alain Decaux raconte ou autre composition, il me demandait : « Où en suis-je ? ». Je prenais alors ma bande de sténotypie et lui dictais les dernières phrases. Aussitôt il reprenait son élan et les idées se succédaient comme si nous nous étions arrêtés la veille. Son indéniable talent de conteur faisait que tout se déroulait en images dans sa tête au fur et à mesure de la dictée : c’est  là le secret  qui a donné beaucoup de vie à toutes ses créations. Deux livres m’ont particulièrement marquée pendant toute cette carrière : Victor Hugo et L’Avorton de Dieu. Pour le premier, ce fut un véritable marathon pour arriver à livrer le manuscrit dans les temps : 1 035 pages.

Comment aurais-je pu penser aussi, ce 18 septembre 1973, qu’il allait être élu à l’Académie française en 1979, ministre de la Francophonie en 1989 puis Président du Collège des Conservateurs du Domaine de Chantilly en 1998 ? Que de merveilleux souvenirs de Chantilly restent gravés dans ma mémoire, où j’ai eu le privilège de travailler avec lui dans l’appartement qu’il occupait dans le Château d’Enghien, face au Château et au Musée ! Entre autres, la promenade que nous effectuions après une journée de travail dans le parc, alors que le château était fermé !

Je mesure aujourd’hui la chance que j’ai eue de pouvoir partager la passion de cet homme très érudit, mais aussi très humain et très simple. Oui, ce fut une véritable « collaboration », au plein sens du terme, sans nuage. Toujours il me demandait ce que je pensais de ce qu’il venait de dicter. Et, toujours, je lui faisais part de mes remarques  si elles me semblaient justifiées.

Je ne puis aujourd’hui encore que lui exprimer tout ma gratitude pour la longue carrière que j’ai effectuée à ses côtés. Merci Alain Decaux.