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Patrice GUENIFFEY

Président du Comité scientifique du Festival 2020

Je n’ai pas eu la chance de connaître Alain Decaux.

Je me souviens l’avoir aperçu à Versailles, dans un salon du livre d’histoire, peu avant sa disparition.

À l’époque où je dirigeais le Centre Raymond Aron fondé en 1984 par François Furet qui accompagna mes premiers pas dans la carrière, j’ai pu lire aussi quelques-unes des lettres de la correspondance qu’il avait échangée avec Alain Decaux.

Le nom d’Alain Decaux, pour moi, est surtout attaché au souvenir de mon enfance. Non par la télévision dont, comme chacun sait, il fit avec André Castelot les beaux jours : mes parents ne voulaient pas d’un petit écran chez eux.

Mais par les livres, et Alain Decaux fut de ceux qui me donnèrent le goût de l’histoire. Il ne fut pas le seul bien sûr. Je pourrais citer aussi les noms d’Henri Troyat et de Philippe Erlanger…

Je fus longtemps fasciné par le livre d’Alain Decaux sur « L’affaire de courrier de Lyon », et je crois bien que ce fut là mon premier contact avec la Révolution française à laquelle j’ai plus tard consacré quelques travaux.

Alain Decaux incarne aussi, pour moi, la défense de l’histoire et de son enseignement à une époque — la fin des années 1970 — où le second était particulièrement malmené. Moins qu’aujourd’hui assurément, mais enfin, nos gouvernants de l’époque, de Georges Pompidou à Valéry Giscard d’Estaing, trouvaient qu’on lui faisait la part encore trop belle !

Alain Decaux, par un appel lancé dans Le Figaro-Magazine, fut alors à la pointe du combat pour lui rendre toute sa place dans les écoles et, plus encore, pour lui rendre les caractères — chronologie, récit, incarnation — qui permettent de l’enseigner aux enfants.

Les universitaires jugent parfois avec un peu de morgue cet « historien du dimanche » qui aimait avec passion l’histoire, sans penser pour autant qu’elle devait être ennuyeuse. Je ne suis pas de ceux-là.

Alain Decaux aura été l’héritier et le continuateur d’une manière très française d’écrire l’histoire et qui, tout en respectant les sources et en s’interdisant d’affirmer ce qu’elles n’attestent pas, ne s’interdit pas d’adoucir la science par la littérature, seul moyen de faire revivre, dans la mesure du possible, ce qui n’est plus.